Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 25 janvier 2017
Déchets

L'AMF totalement opposée à un transfert aux éco-organismes du traitement des déchets d'emballage

Suite à la publication, fin décembre, d’un avis de l’Autorité de la concurrence sur la filière de traitement des emballages ménagers, l’AMF a publié hier un communiqué dans lequel elle exprime son « incompréhension »  et son total désaccord avec les recommandations de l’Autorité. Lesquelles recommandations, selon l’AMF, risquent de « provoquer un recul des performances environnementales ».
Pour comprendre les enjeux, rappelons rapidement les grands principes de la filière de traitement des emballages ménagers. Selon le principe de la REP (responsabilité élargie du producteur), en vigueur depuis 1992, tout producteur ou metteur en marché de produits générant des déchets d’emballage est responsable de la gestion de ces déchets. Les metteurs en marché adhèrent donc à un éco-organisme agréé – en l’occurrence Éco-emballage – et lui versent une contribution financière proportionnelle à la quantité de déchets qu’ils génèrent. À partir de là, deux systèmes sont possibles : la filière dite « financière », où l’éco-organisme reverse cette contribution financière aux collectivités territoriales, charge à elle d’organiser la collecte, le traitement et le tri des déchets ; et la filière dite « opérationnelle », où c’est l’éco-organisme lui-même qui organise ces tâches en tant que prestataire de services des metteurs sur le marché. En France, la filière des déchets d’emballages ménagers relève de la filière financière.
C’est là où le bât blesse, précisément, pour l’Autorité de la concurrence. Elle s’exprime dans le cadre du renouvellement de l’agrément – le précédent s’est achevé le 31 décembre 2016 –et au moment où « des sociétés ont fait connaître leur intention de se porter candidates afin d’entrer dans la filière des emballages ménagers, devenant en cas de succès, des concurrents d’Eco-Emballages ».
Dans un long avis, l’Autorité estime que « le mode d’organisation de type « financier »  tend naturellement vers le monopole ». Surtout, elle pointe ce qu’elle appelle « une certaine inefficience »  dans « les modalités de collecte et de tri des collectivités », reprenant un avis de la Cour des comptes selon lequel le système français serait bien moins performant que le système allemand. Selon l’Autorité, « la filière financière sous monopole ne permet pas de corriger »  ce manque d’efficience.
Conclusion : l’Autorité de la concurrence recommande de passer à terme (d’ici 2022) au système dit « opérationnel », porteur de « plus de concurrence et de plus d’efficacité ». L’Autorité ne cache pas que concrètement, ce système supposerait que « la collectivité abandonne sa responsabilité d’acteur de la collecte sélective, du tri et du traitement (…), pour la confier à un éco-organisme qui est une entreprise (qui) agira comme un acteur économique en concurrence avec d’autres ». Appelons un chat un chat : l’Autorité propose tout simplement de privatiser entièrement le système.
Guère étonnant dans ces conditions que l’AMF ait vu rouge. Dans un communiqué au vitriol, elle rappelle qu’une telle évolution reviendrait à « rayer d’un trait de plume 25 ans d’investissements (…) réalisés par les communes et intercommunalités »  – investissements qui se montaient à 1,5 milliard d’euros en 2015 et devraient doubler dans les prochaines années pour le traitement des nouveaux emballages en plastique. Le passage à la filière opérationnelle rendrait ces équipements « inutiles dans six ans », fustige l’AMF, qui s’indigne du fait que « maintenant que les collectivités ont doté le pays d’un parc remarquable de centres de tri, avec l’argent des contribuables et des usagers, elles devraient l’abandonner au nom de la concurrence ! ».
L’AMF souligne enfin qu’elle « ne peut pas accepter la remise en cause du principe d’universalité qui permet à toutes les collectivités, quelles que soient leur taille, leur situation géographique, leur démographie et leurs performances, d’accéder au dispositif de recyclage. En recommandant aux éco-organismes de mettre en concurrence les collectivités et de développer des services individualisés, l’avis les autorise à délaisser les collectivités à faibles performances ou à trop faible population ou subissant des contraintes géographiques d’éloignement ou d’isolement. Le recyclage des emballages cessera d’être une politique publique déployée sur tout le territoire national et ne répondra plus aux exigences d’une politique environnementale dont l’objectif est de préserver les ressources. » 
F.L.
Télécharger l’avis de l’Autorité de la concurrence.


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